Wiki Argeh'niäm
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L'orage faisait trembler les cieux depuis des jours. Les combats étaient interminables, et toutes tentatives d'affronts, qu'elles soient ennemies ou alliées, étaient vouées à l'échec; les armées s'embourbaient sur le champ de bataille, et il était impossible de tenter la moindre invasion massive.

La tente de commandement était plantée au centre du camp Argeh'nien. Comme la Guerre commençait à s'éterniser, Shalimar Hemswôr'th était venu en personne superviser les choses. Mais les discussions commençaient elles aussi à s'allonger et il faisait les cents pas dans la tente, sa fureur passablement palpable rendant l'atmosphère électrique; tout le monde était tendu, et les membres du Conseil évitaient de le regarder. La Table Régente de l'Empire était occupée à débattre depuis plusieurs heures pour savoir de quelle façon il fallait envahir le camp principal des Foh-jum afin de mettre fin aux conflits.

Varemianne : On ne peut pas les attaquer par le Sud. Ils tiennent la position avec trop d'effectifs, ils nous repousseraient sans problèmes.
Kinessa : Pas d'accord! Si'hklesi! Chiens de homme-loups doivent mourir, tous.
Varemianne : Kinessa, si nous les attaquons de front, nous allons perdre beaucoup d'hommes, énormément d'hommes. On ne peut pas se permettre de les attaquer directement et prier les Dieux pour que ça passe.
Kinessa : Argeh'niens toujours mettre leurs vies aux Dieux. Pourquoi pas la fois d'aujourd'hui?
Kisuna : Parce qu'aujourd'hui il y a cet orage qui fend les cieux à chaque instant. Il n'est pas seulement question d'une bataille, c'est la survie entière du peuple qui est en péril. Cette guerre de longue haleine menace votre économie et en plus de cela, l'orage risque de vous priver de vos ressources alimentaires et agricoles. Entendez raison... repliez-vous pour le moment.
Kinessa : Justement! Daragh frappe les nuages et fait tomber les éclairs pour dire que Argeh'niens seront vainqueurs! (Elle était tellement enragée que de la bave lui en sortait presque des commissures des lèvres, pendant que Shalimar regardait Kinessa, l'approuvant du menton.) Nous devons battre les hommes-loups!
Varemianne : Kinessa... Je te comprends, mais Kisuna n'a pas tort. Cela fait déjà quatre ans que cette guerre dure, nous ne pourrons pas tenir le siège indéfiniment. Nos forces sont éparpillées sur trop de fronts en même temps et le ravitaillement et surtout le moral va manquer.
Kisuna : Oui, il faut les battre. Mais pas au prix exorbitant que tu proposes, Kinessa. Nous ne décidons pas d'une simple bataille, et vous le savez tous. Il faut que le peuple survive à ce qui l'attend, et pour cela il nous faut nous retirer. Mais nous savons que la marée se retire avant de revenir pour frapper encore plus fort.
Shalimar : Et nous savons aussi que lorsque l'éclair frappe, il déclenche un feu. (Il déposa ses poings sur la table, les articulations blanchies et les canines lupines de sortie.) En effet, le prix est exorbitant mais comme vous le dites si bien, Var et toi, cette guerre dure depuis trop longtemps. Il faut frapper maintenant et mettre fin à ce conflit, une bonne fois pour toutes.
Kisuna : Je serai derrière toi peu importe la décision que tu prendras, mon ami. Mais le risque est si grand qu'il nous faut le considérer sous tous les angles. Si tu sonnes l'attaque, je n'hésiterai pas, mais je pense que ton armée et ton peuple ont besoin de répit.
Varemianne : Shalimar. Je sais que tu voudrais que cette guerre se termine, et je sais aussi que tu voudrais qu'elle se termine sans victimes supplémentaires. Faisons marche arrière et essayons de convenir d'un traité avec eux. Les Foh-du'ka ne sont pas agressifs. Pourquoi les Foh-jum seraient différents? On n'a même jamais su qui ou quoi a déclenché cette guerre!
Shalimar : J'ai vécu! (Il venait de hurler si fort qu'il s'en étonna lui-même. Son poing était enfoncé dans le bois, sans qu'il ne se souvienne avoir frappé. Il inspira longuement et repris.) Assez longtemps pour savoir qu'un traité ne sert jamais à rien. Il finit toujours par être brisé par l'un ou l'autre parti, et la guerre recommence. Si la guerre doit se terminer, elle se terminera ici et aujourd'hui. Que Epar'adur dévore mon âme si je laisse le contraire arriver.
Kisuna : Il ne dévorera pas seulement ton âme mais celle de ton peuple entier, si jamais nous nous sommes trompés aujourd'hui. Sois absolument certain de la décision que tu veux prendre, Shalimar. Cela pourrait être la dernière.

Shalimar sortit immédiatement. D'un pas pressé, il se dirigea vers sa tente, dans laquelle il pénétra sèchement. Une fois à l'intérieur, il se délesta de ses vêtements civils pour les remplacer par une armure de cuir durci et renforcé, gravée d'innombrables runes et garnies de nombreux grigris traditionnels. Il laça les sangles de son bouclier autour de son avant-bras gauche et enfonça sur sa crâne sa coiffe de loup.
À ce moment-là, Varemianne entra dans la tente. Elle frappa violemment sa lance sur son bouclier avant de mettre un genou en terre, tête baissée. Shalimar se tourna vers elle, levant les sourcils.

Shalimar : Relève-toi, Var. Tu n'es pas obligée de faire ça, je te l'ai déjà dis.
Varemianne : Je suis ton garde personnel, Shalimar. Bien sûr que je suis obligée de le faire. Mais je ne suis pas venue parler de ça.
Shalimar : Je n'attendrais pas plus, Var. La fin de cette guerre n'a que trop tardée, et il est temps que les choses rentrent dans l'ordre. (Il ceint sa lame à la ceinture.) Et je vais m'en assurer moi-même.
Varemianne : Shal, je t'en prie! (Elle se jeta devant lui, lâchant bouclier et lance, pour l'enlacer dans une ultime tentative de le retenir.) Si tu y vas, tu risques de mourir. Je ne peux pas envisager cette option.
Shalimar : Alors ne l'envisage pas. (Il lui rendit une seconde son étreinte avant de l'embrasser sur le front avant de sortir.) On ne sera pas trop de deux.

Lorsqu'il mit le pied dehors, il tomba nez-à-nez avec de nombreux hommes. Citoyens venus aider, miliciens mobilisés, gardes forestiers et gardes impériaux, tous étaient rassemblés, vêtus de leur armure et arme au poing, Kinessa en tête. Il n'eut pas besoin de parler. Shalimar comprit à son hochement de tête que tous étaient derrière lui. Alors ils se mirent en marche.

L'Histoire se souviendrait de ce jour. Shalimar en était sûr, alors qu'il tranchait les poignets et les chevilles de ses adversaires, virevoltant au milieu des assaillants comme un danseur lors d'un ballet. Il avait libéré l'essence de Zaroc, son Âme-bête, et était littéralement intouchable.
Derrière lui, Varemianne, Kinessa et le reste de l’escadron suicide Argeh'nien n'étaient pas en reste. Les Foh-jum tombaient à chaque fois qu'un Argeh'nien baissait les bras, bien que de très nombreux soldats tombaient sous les coups de griffes et de crocs enragés de leurs ennemis.
L'Empereur continuait de fabriquer sa route en direction du Temple Foh-jum, progressant en enjambant les corps de ses ennemis. Il finit par se dresser devant l'entrée, couvert de sang.
Il laissa tomber son bouclier et écarta les bras d'un air de défi.

Shalimar : : Je m'appelle Shalimar Hemswôr'th. Je suis l'Empereur des Argeh'niens. Je n'étais pas venu dans le but de vous soumettre, mais vous m'avez forcé la main. Je sais ce que vous avez fait.

Il fit un signe de la main à Kinessa, qui lança vers Shalimar le sac qu'elle avait sur les épaules. En tombant au sol, il s'ouvrit et laissa s'échapper une tête séparée de son corps; c'était celle d'un Foh-Jum balafré, dont Shalimar se saisit.

Shalimar : Je vous présente Shkrar Plume-d'ébène. Vous le reconnaissez? (Il planta son regard opalescent dans celui du chef de clan adverse, le père de Shkrar, dont les larmes inondaient les joues.) Bien sûr que vous le reconnaissez. Puisque vous avez envoyé le prince de votre peuple en personne pour tenter de m'assassiner, avant de vous risquer à vous attaquer à ma femme. Par chance pour vous, Aiyama est occupée à dépecer les vôtres sur un autre front, sinon elle serait ici et vous seriez déjà morts.

Shalimar était enragé. Mêlé à son Âme-bête, son apparence tenait plus de l'animal que de l'homme, et c'est ça qui perturbait les Foh-Jum. Ils n'arrivaient pas à savoir si cet homme-bête était avec ou contre eux. À en juger la tête entre ses griffes, il était contre eux, mais son apparence physique hurlait le contraire.

Shalimar : Je vous laisse le choix! Déposez les armes, et vous serez traités en prisonniers de guerre. Sinon, je ferais en sorte que le reste de votre vie soit un quotidien de servitude pour ceux qui vous ont vaincus.
Dokhm Plume-d'ébène : <Nous ne plierons jamais le genou devant vous.> (Il s'exprimait dans une langue que seul Shalimar semblait comprendre.) <Vous n'aurez jamais nôtre libre arbitre.>

Shalimar sourit. Il laissa la tête tomber au sol, et observa la jeune femme qui s'approchait de lui, lame à la main. L'air féroce, aux longs cheveux roux et au regard vert impérial, elle fit quelques pas avant de se ruer sur Shalimar, presque aussitôt suivie par le reste des Foh-Jum.
Shalimar rengaina sa lame et écarta les bras. Il prit une inspiration et rugit vers ses opposants; lorsque son cri retentit, l'énergie de la Source se rassembla autour de lui et elle fut projetée vers les Foh-Jum. Leurs armes se brisèrent, leurs esprits prirent peur et ils tombèrent à genoux. Lorsqu'ils osèrent regarder l'Empereur Argeh'nien, ils ne virent pas un homme. Un loup majestueux, d'un noir de jais et aux pupilles ardentes, se dressaient sur le champ de bataille. Il était percé de nombreuses lances et balafré en de maints endroits et pourtant, il était debout, plus fier et plus fort que jamais.

Les rares Foh-Jum qui avaient gardé leurs armes en main les jetèrent aussitôt au sol, tandis qu'ils se prosternaient. La vision de ce qu'ils appelleront plus tard «l'Esprit-Loup» les terrifiait. Il s'approcha de deux pas lourds, qui firent trembler le sol et posa son regard impérieux sur Dokhm.

Zaroc : Il suffit. Votre peuple a déclaré les hostilités. Vous êtes tous aussi fatigués les uns que les autres, et vous ne pourrez tenir cette guerre plus longtemps. Soumettez-vous, avant que je ne laisse les Argeh'niens vous massacrer.

Les Foh-jum ne bougèrent pas d'un pouce. Dokhm s'approcha de quelques pas, la poignée de son sabre toujours logée dans le creux de sa main. Il le dégaina lentement et désigna l'Esprit-Loup. Puis, il se jeta sur lui avec une vélocité incroyable. En moins d'une fraction de seconde, sa lame était sur le coup de la créature...
... qui s'évapora en un épais nuage de fumée grisâtre et opaque. Le temps sembla alors se figer. Plus personne n'osa respirer, dans l'un ou l'autre camp. Le nuage resta statique, flottant là, autour des deux assaillants, alors que la masse opaque envahissait lentement les environs. Percée d'orages d'un bleu de glace, la brume étouffait tous bruits du combat, ce qui rendait l'attente encore plus insoutenable. Nul ne savait ce qu'il se passait réellement entre Dokhm et Shalimar.

Le brouillard finit par se dissiper lentement alors que l'ensemble des guerriers retenait son souffle. Shalimar se tenait debout, bras scellés dans son dos. Dokhm était allongé sur le sol, inanimé.

Shalimar : Il n'est pas mort. Mais il le sera sous peusi vous ne rendez pas les armes.

Shalimar savait qu'il venait de mettre à terre le plus ancien des Foh-Jum, et que cela les forcerait à se rendre. Pendant que la guerre se déroulait et qu'il n'était pas sur le front, il en avait profité pour rassembler des informations sur leurs ennemis. Et il en était arrivé à cette conclusion.
Et il avait raison d'avoir cru en les Dieux sur ce coup-là.
Les Foh-Jum se rendirent aussitôt, et dans les jours suivants, il ne fit qu'apprendre que les clans Foh-Jum jetaient leurs armes les uns après les autres.

La guerre était finie. Et elle était finie parce qu'ils avaient réussi à le mettre en colère. Cela le perturbait. Personne n'y était jamais parvenu, en près de milles ans...

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