Wiki Argeh'niäm
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La pluie n'avait pas cessé de tomber depuis les premières lueurs de l'aube. Au début, ça n'avait pas été gênant, il pleuvait régulièrement sur cette partie de l'île. Mais après quelques heures, l'eau avait commencé à effacer les traces de pattes que l'homme suivait et il ne tarderait pas à perdre la piste. Il avançait rapidement entre les arbres, courbé pour observer le sol tout en se mouvant. Il arriva bientôt aux abords d'une clairière, s'arrêtant à l'orée du bois. Il observa alentour pendant plusieurs minutes. Il devinait où il était arrivé et ne désirait visiblement pas s'y aventurer avant d'être sûr que rien n'y personne ne rôdait dans les parages. Une fois sûr qu'il était seul, il se redressa, cherchant la suite de sa piste sur le sol. Constatant qu'elle s'arrêtait bientôt à cause de la pluie incessante, il jura et se redressa. Il avança sur quelques centaines de mètres avant d'observer la cuvette qui s'étendait sous ses pieds, révélant la présence d'une vallée plus grande encore que ce que l'homme avait imaginé. Il n'en voyait même pas le bout.

À ses pieds s'étendait une vallée presque invisible, couverte d'une couche de brume grisâtre qui empêchait le regard des hommes d'apercevoir ce qui se trouvait en-dessous. Alors qu'il contemplait cette étendue laineuse, la pluie cessa quelques minutes, un rayon de soleil perçant la muraille de nuages pour frapper la terre près de l'homme. La lumière se réfléchit sur une flaque, aveuglant l'archer qui dut se masquer les yeux avec la main. Dans le mouvement, sa cape se souleva. L'homme portait une tunique de cuir recousu en plusieurs endroits, portée par-dessus une cotte maillée, elle-même posée sur une chemise en laine. Il portait des chausses de laine bleue et des bottes de cavaliers, salies par la boue. Il portait sur lui plusieurs fourreaux de dagues, ainsi que quelques lames de jet. À sa ceinture était ceinte une lame bâtarde en fer, tandis qu'un arc long et un carquois presque vide trônait dans son dos. Son visage était anguleux et ses orbites creusées accueillaient deux yeux vert d'eau. Il avait les cheveux noirs, retenus d'une lanière de cuir noir, et une barbe striée de gris. Les nuages revinrent cacher l'astre solaire et la pluie reprit de plus belle. L'archer soupira et regarda une dernière fois la vallée brumeuse avant de tourner les talons, retournant à l'abri des bois. N'ayant cette fois plus de piste à suivre, il s'élança à grandes enjambées pour retourner rapidement au camp.

Il entra en trombe dans la caverne qui débutait les souterrains dans lesquels ils s'étaient installés. L'archer soupira et détacher sa cape pour la secouer et en ôter l'eau qui en dégoulinait. Il la déposa ensuite sur un tabouret laissé là et s'engagea dans le dédale souterrain qui se présentait à lui, saluant au passage les deux lanciers qui gardaient l'entrée de la grotte, malgré la pluie. Il se hâta de traverser les divers campements improvisés, sauta par-dessus le départ d'un précipice dont l'ouverture ne faisait guère plus de trois pieds et s'engagea sur un pont de planches qui avait été installé pour pouvoir atteindre un promontoire rocheux surélevé. En posant le pied sur celui-ci, il s'arrêta un instant pour observer ce qui se trouvait devant lui. Un feu de camp éclairait l'endroit d'une lueur mordorée. Il y avait là une tente de peaux, ainsi qu'un tronçon d'arbre qui servait de siège à un vieil homme enveloppé dans une cape de plumes de corbeau et de mésange bleue. Il leva la tête à l'arrivée de l'archer, lui souriant doucement avant de l'inviter à s'avancer vers le feu. L'archer s'approcha et s'installa sur un second tronçon, déposant son arc et son carquois à ses pieds.

- Hamei, Arsenyi.
- Hamei, Chasseur.
- J'aurais quelques questions à vous poser. (Il attendit que l'Ancien opine pour lui donner son approbation, et reprit sa phrase en frottant ses yeux.) En suivant la piste d'un cerf, je suis tombé sur la Vallée Fantôme. Qu'est-elle, exactement ? Pourquoi y a t-il toute cette brume ? Et qu'y a t-il sous la brume ?
- Concentrons-nous sur la première question, veux-tu. Cette Vallée, j'aimerais autant que toi savoir ce qu'elle est. J'ai essayé de méditer et de quémander l'aide de nos Ancêtres mais peu sont ceux qui ont avaient connaissance, et encore moins nombreux sont ceux qui ont acceptés de m'en parler. (Il renifla avant d'attraper une gourde emplie d'un liquide carmin, avalant une gorgée.) Tu n'es pas sans savoir que cette île était autrefois rattachée à Féralas. Lorsque la Grande Fracture a déchiré le monde, l'île a été repoussée et s'est éloignée pour arriver là où elle est aujourd'hui.

Nos Ancêtres disent qu'à l'époque où elle n'était pas née, l'île abritait un Temple que tous cherchaient à atteindre par leurs pèlerinages. Lors de la Grande Fracture, le Temple aurait été détruit en même temps que l'île était créée, et aurait disparu entièrement. Aujourd'hui, si on en croit nos Ancêtres, pas une seule brique ne serait encore présente sur les lieux. Après cet événement, les Dieux auraient décidé de recouvrir la Vallée de brume pour éviter que la disparition ne soit constatée.

- Mais dans quel intérêt ? Nous sommes les premiers à être arrivés sur cette île, et la brume était déjà présente. À qui voulaient-ils cacher ça ?
- Je ne sais pas, Yid.
- Donc, selon vous, il n'y a plus rien à cet endroit ?
- Pas selon moi. Selon ce que j'ai pu apprendre de nos Ancêtres. Personne n'est allé s'aventurer sous la brume depuis qu'elle est apparue. Ou si c'est le cas, ceux qui y sont entrés n'en sont jamais ressortis.
- Hrm. Merci, Arsenyi. Tâchez de vous reposer.

L'archer se releva en attrapant ses effets et repassa par le pont de bois pour rejoindre une tente, un peu écartée des autres, dans un renfoncement de la roche. Il y pénétra et abaissa la tenture de peau qui la fermait, se laissant tomber sur un tas de fourrures qui lui servait probablement de lit. Il regarda par le trou qui ornait le haut de sa tente, les armatures de bois recouvertes de peaux laissant apparaître le plafond rocheux, et se perdit dans ses pensées. Sans s'en rendre compte, il s'endormit, épuisé par son épisode de traque en plein air.

«... La brume était partout autour de lui. Humide et épaisse, il n'y voyait pas à trois pas devant lui. Il tournait sur lui-même, encore et encore, tâchant désespérément de voir quelque-chose qui l'aiderait à ce sortir de cette purée grise qui l'empêchait de rentrer. Quelle idée il avait eu de vouloir chercher le Temple. Un cri guttural résonna non loin de lui, suivi du grondement d'une course. De ce qu'il en devinait, la créature qui s'était élancée devait être gigantesque pour provoquer un brouhaha pareil. Il se mit à courir à l'aveugle, trébuchant parfois sur une racine avant de se rattraper in-extremis. Derrière lui, la créature continuait de courir, s'approchant peu à peu de sa proie, attirée par l'odeur de sang chaud. L'archer bondit pour éviter un trou qu'il vit au dernier moment, se réceptionnant d'une roulade durant laquelle il perdu sa lame. Il jura et continua de courir droit devant lui, priant pour que la brume s'arrête un jour. Le sol vibra lorsque la créature atterrit juste derrière lui après avoir bondit pour tenter de se saisir de lui. Il se retourna pour vérifier qu'elle était encore assez loin, et son mouvement le déséquilibra. Il tomba de tout son long, son bras se brisant sous son corps. La créature fut sur lui en quelques secondes. Semblable à un gorille, bien que beaucoup plus imposante, elle était dotée de deux bras musculeux qu'elle frappait au sol en observant l'homme. Dans un hurlement, elle ouvrit sa gueule, révélant deux rangées de dents plus pointues et acérées que des couteaux et la referma sur le cou de sa proie. L'archer se réveilla en hurlant, trempé de sueur...»

Il frotta ses yeux en jurant à voix basse. Se levant, encore tremblant, il sortit de sa tente et rejoignit le groupe de tentes qui servait de camp principal, à quelques dizaines de mètres de là. En se laissant tomber sur un tronçon d'arbre, il encaissa un coup de poing de la part d'un de ses comparses.

- Alors, Emrich, on fait encore des cauchemars ? (L'homme éclata de rire.) Tu n'as plus dix ans, bam'bi-yid !

Emrich l'ignora, se redressant pour aller fouiller les réserves de vivres. Il se constitua un repas frugal de pain et de viande séchée avec une outre de jus de baie et alla manger à l'entrée de la grotte. L'un des lanciers lui lança un bonjour endormi, probablement à cause de sa veille de la nuit.

- Ne les écoute pas. Ils se moquent mais ne sont pas mieux.
- Je leur fait la nique. Ce sont des crétins, répondit Emrich en dévorant sa viande.
- Peut-être. De quoi as-tu rêvé ?

Emrich regarda au-dehors, le souvenir de la créature de son cauchemar le faisant encore frissonner, même maintenant qu'il était parfaitement éveillé.

- Rien d'important.

Pourtant, au fond de lui, il ressentit un curieux sentiment. Comme si justement, c'était important. Il chassa cette pensée de son esprit et termina de manger, avalant rapidement les quelques bouchées de pain. Puis, gardant son outre en main, il sortit, décidant de retourner faire un tour près de la Vallée. Il y trouverait peut-être quelque-chose.

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Partie 2 en rédaction.
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